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Le destin du marxisme

Lundi 9 décembre 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse

Conférence de M. Christian SAVÈS, Docteur en Sciences politiques, habilité à diriger des recherches. Ancien élève de l’E.N.A. Politologue. Haut fonctionnaire. Activités d’enseignement et de recherche. Ancien directeur des études à l’E.N.A.   

            L’ambition de cet essai est d’appréhender la trajectoire socio-historique du marxisme de façon sereine et non partisane, à présent que le temps a passé et que les passions (longtemps portées à incandescence par les acteurs) sont retombées. Il y a bien un destin du marxisme, au sens que Malraux donnait à ce mot… mais à une différence (notable) près : dans son cas, ce n’est pas la mort qui transforme la vie en destin mais bien la postérité sans équivalent qui fut la sienne, qui a transformé son existence en un destin sans équivalent… même si, au final, il fut peu enviable et n’est donc guère envié aujourd’hui, avec le recul de l’Histoire qui nous a instruits à grands frais.

Son destin ou, si l’on préfère, sa tragédie, se joue en trois actes :

  • Premier acte : c’est le marxisme de Marx, c’est-à-dire celui des origines, du père-fondateur. Il s’agit d’évoquer ce que Marx a pensé et conçu par lui-même, avec l’aide de son fidèle ami Engels. Cette pensée, puissante et novatrice, se proposait de faire table rase de toute l’antériorité philosophique et d’aller au contact du réel avec toute son âme, pour mieux le changer et, même, le transfigurer, en faisant révolution… mais une révolution qui n’était pas seulement une révolution de l’esprit en acte : elle était, tout autant, une révolution économique, sociale, politique, au final. Il ne faut cependant pas se méprendre, sur sa pensée comme, hélas, beaucoup l’ont fait. Marx lui-même avait dit qu’il n’était pas marxiste : avant Nietzsche, il se méfiait des « faiseurs de système » et cherchait à les éviter. Il était marxien et ne voulait surtout pas être marxiste car il avait vraisemblablement pressenti ce que ceux qui se disaient « marxistes » risquaient de faire de sa pensée… et les conséquences pratiques qui en découleraient, pour ses semblables.

C’est là-dessus que se joue le premier acte de la tragédie ;

  • Deuxième acte : c’est le marxisme après Marx ou, si l’on préfère, au-delà de Marx. Marx disparu, les marxistes ont pris le pouvoir intellectuel (avant de prendre le pouvoir politique) et imposé leur lecture/interprétation de la pensée du grand philosophe allemand. Il n’était plus là pour les contredire, les contrarier, dissiper les tragiques équivoques. Or, comme l’avait si bien vu Raymond Aron, les équivoques d’une doctrine, loin de freiner son succès et sa diffusion, l’amplifient. On est alors passé du singulier au pluriel : du marxisme aux marxismes et, même, aux « marxismes imaginaires ». Dès lors, il n’y avait plus de marxiens mais seulement des marxistes. Chacun se construisit un marxisme à sa mesure, de plus en plus éloigné de Marx (et, partant, de moins en moins fidèle à la pensée des origines), mais sur la base duquel chacun développa une vision de plus en plus univoque et, au final, dogmatique, de la société, du devenir social. L’ère (et l’heure) était aux déformations du marxisme. C’est là-dessus que se joue le second acte de la tragédie ; 
  • Troisième acte : avec l’entrée en scène de Lénine, le marxisme de Marx va être victime d’une instrumentalisation politique sur la base de laquelle se construira l’imposture bolchevique. Mais, celle-ci va avoir la vie dure et, face à elle, les intellectuels auront les « paupières lourdes ». En fait de « révolution » un pays, la Russie, qui avait servi de « banc d’essai » va subir un martyre sans précédent dans l’Histoire. Lénine, l’Antéchrist, n’aura fait qu’inventer une religion sacrificielle, dans sa forme la plus tératologique qui soit, le bolchevisme. Inventeur et praticien du totalitarisme, tout à la fois, il a ainsi ouvert l’ère du pire.
  • Le réel et les hommes seront malaxés, malmenés, mutilés, sacrifiés, par millions… et pour rien, en définitive. Aux perspectives de Salut, le bourreau aura tôt fait de substituer celles de la damnation, d’une damnation éternelle. C’est là-dessus, sur cette mutilation et le formidable gâchis humain et politique qu’elle représente, que se joue le troisième et dernier acte de la tragédie, en forme d’acte manqué. En définitive, le destin confisqué, le destin contrarié et même brisé du marxisme de Marx, c’est d’avoir vu son œuvre lui échapper, reprise par des apprentis-sorciers sans états d’âmes et sans scrupules, qui furent à l’origine d’une coupure métapolitique, entre le marxisme de Marx et le bolchevisme, ce qui signifie que cette coupure était à la fois métaphysique et politique, donc radicale. Pourtant, trop longtemps, la cécité ou le parti-pris des uns et des autres va faire que le procès en suspicion totalitaire, instruit contre le bolchevisme, rejaillira sur le marxisme de Marx, qui en subira l’opprobre.

Rendu aphasique, donc inaudible, le marxisme de Marx ne sera plus en situation de présenter sa défense, de façon efficace et convaincante, devant le tribunal de l’Histoire. Ainsi, la tragédie était-elle définitivement consommée et le sort du marxisme cruellement scellé. Mais à quoi bon pleurer sur un destin volé ? Le marbre froid et lisse de l’Histoire n’absorbe pas les larmes, il les laisse couler…

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Faire sens du non-sens : de la question du pourquoi vivre et du rapport à la possibilité du suicide chez Schopenhauer et Maïnlander

Lundi 25 novembre 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse.

Conférence de M. Pierre Héraud, professeur de philosophie, étudiant en Master II.

            « Qui ne s’interroge pas est une bête, car le souci constitutif de toute vie humaine est celui de son sens. » Par cette formule qu’il emploie dans son ouvrage majeur, Le Monde comme Volonté et représentation, Arthur Schopenhauer pose le premier jalon d’un questionnement profond sur le sens et la valeur de l’existence humaine, et qui se solde le concernant par une fin de non-recevoir définitive, puisqu’il nous enjoint, comme lecteurs, à ne pas venir chercher chez lui des raisons de vivre. Il affirme, ce faisant, le caractère inévitablement et systématiquement préférable du non-être vis-à-vis de l’être, et affiche son mépris radical pour l’existence, qui ne peut trouver pour lui ni sens ni justification sur le plan de la valeur, de même qu’elle ne nous laisse aucun espoir de rédemption. Sa pensée, qui constitue en quelque sorte l’acte de naissance du courant philosophique pessimiste en Allemagne, ne se prolonge pas cependant jusqu’à la conclusion qui pourrait pourtant sembler légitime, à savoir une apologie du suicide. Si Schopenhauer rejette en effet avec force cette possibilité, celle-ci sera traitée et même défendue, jusqu’à un certain point, par l’un des nombreux auteurs méconnus qui se sont inscrits dans son sillage, et que l’histoire de la philosophie semble avoir oubliés, Philipp Maïnlander. En effet, ce dernier entreprend de refonder l’espoir que la philosophie de Schopenhauer nous refuse, puisqu’il voit dans la possibilité de la mort choisie, non pas simplement un aveu de faiblesse, la manifestation d’une incapacité à endurer les souffrances imposées par l’existence, mais au contraire l’aboutissement d’une démarche philosophique qui permet de s’émanciper de l’illusion selon laquelle la vie vaudrait d’être vécue, ainsi que l’occasion d’une affirmation pleine et ultime du soi.

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La pensée et le fragment

Lundi 21 octobre 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse

Conférence de M. Christian LOUBÈRE, professeur de philosophie.

            Notre pensée, à l’heure du numérique et de l’intelligence artificielle ne semble jamais moins nous avoir appartenu qu’aujourd’hui.  Du chat GPT, aux rivages encore brumeux de l’ordinateur quantique, force est de constater que ce n’est plus l’homme qui pense, ni se pose la question de la nature de sa propre pensée, ni moins encore de la manière dont il pense avec justesse ou fausseté. Maintenant la seule question utile à notre monde semble de savoir comment la machine pense et comment nous pensons avec elle. Nous désirons vivre en symbiose avec son système, lequel nous apparaît sous la forme d’une fragmentation d’informations orienté vers la rentabilité ou la jouissance, l’accumulation quantitative d’informations, comme un trou se remplit de son propre vide, ou de son manque, de sa perpétuelle indigence. Aussi, pensée et information semblent plus que jamais apparaître comme une seule et même chose à l’homme numérique, comme l’avait prédit et souhaité Deleuze. Par la puissance de cette virtualité omniprésente de l’image, du code, du transfert de données, nous ne savons plus que ces images et ces pixels, lesquels s’étirent en nous, aux ligaments de notre âme, là où elle est informée par sa mémoire, mais aussi à l’extérieur de nous, dans la mémoire de l’âme du monde, comme un rhizome ou une trufferie dantesque. Nous avons oublié qu’ils ne sont faits, ces fragments signifiants des toilages de codes numériques qui peuplent notre monde que d’ombres évanescentes, de sables et de deuils. Nous avons dénié que ces informations qui définissent et transforment en permanence notre pensée ne sont que des lignes de langage logiques invisibles, la danse d’un métalangage qui sait construire un écran d’illusions sur lesquels surfent notre œil et nos idées, nos passions et nos désirs, nos émotions les plus intimes, nos dogmes les plus sacrés. Plus que jamais, l’intuition poétique de Platon semble s’accorder aux sombres prophéties des contre- utopies modernes : nous habitons une caverne, cet espace informationnel devenu notre réalité, peuplé d’ombres, de signes fragmentés, lesquels nous apparaissent comme des êtres et des choses : ainsi l’enfant se détourne-t-il de l’oiseau dans le ciel pour scruter l’oiseau de pixel de sa tablette, l’adolescent détourne-t-il ses passions des premiers émois ressentis face aux corps juvéniles de ses camarades pour désirer un corps désincarné, codé sur son téléphone portable, informé par la pornologie de la caverne où dansent les ombres du fantasme…

Vers quel ciel des idées nous conduit cet Eros moderne ? Qui pense en nous et comment pensons-nous ? À l’époque où la pensée humaine, son logos semble s’échapper vers un abyme, où la machine informe la pensée, et où notre pensée est sommet de se mettre au service de la machine, une réinvention et une réinscription de la cybernétique, de sa logique programmatique du langage semble s’imposer. Ce détour abyssal par la caverne numérique du langage formel n’est-il pas là pour nous rappeler la nature fragmentaire de notre pensée elle-même, au sens le plus vivant du terme ? Laquelle construit ce monde en son unité, comme ornement de notre mémoire vivante.  Fragment d’un dialogue perpétuel vers l’unité d’une transcendance éternelle, celle que suppose l’expérience de notre incarnation…      

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Le philosophe Étienne Borne (1907-1993) : Inspecteur général de philosophie et engagé en politique.

Vendredi 31 mai 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse

Conférence de M. Bernard HUBERT, Directeur des Cahiers Maritain. 

En relation avec Henri Bergson, Emmanuel Mounier, Marc Sangnier, Jacques Maritain et Maurice Blondel, Étienne Borne familier pendant un temps du foyer de Meudon dans ses premières années de 1929 à 1935, a eu comme maître Jacques Maritain. Il a aussi collaboré avec la revue Esprit d’Emmanuel Mounier puis au moment de la seconde guerre mondiale il s’est progressivement rapproché du philosophe Maurice Blondel. Ses écrits et les correspondances d’Étienne Borne avec Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Henri Bergson, Maurice Blondel, permettent de comprendre son personnalisme qui l’a conduit après la Seconde Guerre mondiale à s’investir politiquement au service des mouvements démocrates.


Nos dernières conférences :

Heidegger et la Chose juive

Vendredi 24 mai 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse.

Conférence de M. Stéphane ZAGDANSKI, essayiste.

            Né catholique dans un pays majoritairement protestant, Heidegger était étonnamment ignorant de la « Chose juive », qui englobe la tradition herméneutique millénaire de la pensée biblique, midrashique, talmudique et kabbalistique. Commettant des erreurs de débutant en tentant de citer la Bible, Heidegger a fini par s’enfoncer de manière confuse dans un concept nébuleux de « judéo-christianisme », considérant à tort Philon d’Alexandrie comme le fondateur d’une « philosophie religieuse juive » inexistante, qui n’était en réalité qu’un platonisme et un aristotélisme adaptés au monde hellénisé de la Septante.

            Ce profond manque de compréhension des questions juives a eu plusieurs conséquences néfastes. D’une part, Heidegger assimilait le judaïsme à l’Empire romain, formant une vision plate et vulgaire du Dieu juif en tant que despote antique. D’autre part, il lui manquait une protection intellectuelle contre la séduction de la propagande nazie pendant les années 1930 et 1940. Sans s’identifier consciemment comme antisémite, il en vint, dans ses Cahiers noirs, à assimiler la chose juive, réduite par lui à des termes interchangeables et perpétuellement nébuleux tels que Judentum, Weltjudentum et Judenschaft, à la Machenschaft et à la dévastation du règne exclusif des étants. Cette assimilation absurde du monde juif au seul domaine des étants provenait d’une référence à l’idée de Luther de « l’état opposé » des Juifs et des chrétiens, qu’il évoquait dans une note lors d’une méditation sur l' »objet » et son caractère antagoniste avec le « sujet » depuis Descartes.

            En 1942, alors qu’il ne pouvait plus nier l’extermination en cours des Juifs, Heidegger tenta, dans un passage bizarre des Cahiers noirs, d’analyser l’auto-anéantissement métaphysique des Juifs et des nazis, mélangeant Juifs, chrétiens et nazis dans le vaste chaudron de la Métaphysique occidentale et les excluant littéralement de l’indestructibilité inhérente à la lumière de l’Être répandue à travers le monde grec.


Les théories du sujet de Jacques Lacan

Alexis CARTONNET, professeur de philosophie

Vendredi 3 mai 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse

            Soutenir que la catégorie philosophique de sujet a été « attaquée » au XXe siècle est une évidence qui relève presque de l’euphémisme. Les sciences humaines dans leur ensemble estiment en effet que l’être humain est plongé dans un milieu social ou une Histoire qui le précède ; la psychanalyse de Freud en particulier déclare que « le moi n’est pas le maître dans sa maison » ; le structuralisme solidement implanté à l’Université de Vincennes réduit enfin le réel à une combinatoire d’éléments dont l’être humain semble s’être absenté, à moins qu’il ne soit lui-même élément permutable d’un ensemble social.

            Or, envers et contre tout, Lacan a maintenu et la nécessité de produire un concept opératoire de sujet et la possibilité pour le patient de se construire comme sujet digne. Psychanalyste et partiellement structuraliste, Lacan a même soutenu sans sourciller l’existence d’un « sujet de l’inconscient ». Quel est donc ce sujet que Lacan défend envers et contre tout ? Peut-on être véritablement sujet tout en étant assujetti à son inconscient ? Mais surtout : combien y-a-t-il de théories du sujet chez Lacan ? Se succèdent-elles avec indifférence ? Se superposent-elles avec pertinence ? Et en dernière analyse, en quoi consiste la topique lacanienne du sujet, articulée autour de l’imaginaire, du réel et du symbolique ?


L’Athéisme, signe d’une philosophie en crise ?

Frère Marie Philippe, Prêtre dominicain, doctorant.

Vendredi 22 Mars 2024, 18 h 00, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, entrée libre.

            Depuis le XIXe siècle, la négation de Dieu était indirecte : la pertinence de cette question était refusée. Elle n’indiquait rien sur son objet qu’est Dieu mais elle était révélatrice du conditionnement de son sujet qu’est le croyant.  Dans une vision vitaliste, la raison est une ruse de son intérêt vital et Dieu une projection utile mais illusoire.  Le problème de la vérité et de sa recherche désintéressée est donc posé. La question même de la philosophie est posée. Face à ce présupposé anthropologique, il s’agit de trouver en quoi l’athéisme philosophique désigne un vrai problème épistémologique tout en relevant que son fondement engendre l’impossibilité d’une recherche rationnelle désintéressée et, par ce biais, peut constituer un sig


La prémonition de Socrate. Nihilisme et démocratie

Christian Savès, Doctorat en Sciences politiques, habilitation à diriger des recherches. Ancien élève de l’E.N.A. Politologue.

Vendredi 8 Mars 2024, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, entrée libre.

            Socrate a eu, vraisemblablement le premier, la prémonition du caractère nihiliste de la démocratie : en elle, vérité et politique se trouvent durablement (définitivement ?) dissociées. En effet, la démocratie est, par essence, bref par nature, porteuse d’un relativisme des valeurs ne la prédisposant pas à reconnaître au Juste et au Vrai (ces deux grands idéaux socratiques) une place, une autorité supérieure à toutes les autres valeurs. Ainsi, le statut qu’elle est naturellement disposée à leur reconnaître n’est-il que relatif, contingent… et certainement pas absolu. Au fil du temps, Socrate s’est donc retrouvé dans une opposition frontale et radicale, par rapport à la démocratie athénienne et aux conditions objectives dans lesquelles elle fonctionnait. Pour lui, le Juste et le Vrai étaient des « impératifs catégoriques » (au sens kantien de l’expression) et, à ce titre, ils devaient rester intangibles, non négociables et s’imposer tels quels à la conscience des citoyens.

            Cette circonstance explique alors le procès qui fut fait à l’homme, un procès dont le véritable mobile est éminemment politique. Il fallait, à tout prix, le réduire au silence, tarir à jamais la parole socratique. La condamnation à mort était un moyen expédient d’y parvenir. A cet égard, le procès qui s’ouvre à Athènes, est moins le procès fait à Socrate, « intuitu personae » que celui que la démocratie athénienne fait à la vérité, dans la sphère politique. Il fonctionne donc comme un révélateur du malaise ambiant et du nihilisme dont était porteuse la démocratie athénienne, déjà confortablement installée dans le déni de réalité. Dans le registre symbolique, avec Socrate, c’est bien la vérité qui est mise à mort, une vérité dont Athènes ne voulait pas ou plus

« Jeter les images au feu » : éthique du sublime et sémiologie politique chez Julien Gracq, intellectuel à la marge

Félicien Maffre-Maviel, professeur agrégé de littérature

Vendredi 19 janvier 2024, 18 h 30, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse

        

Dans quelle mesure pourrait-on accorder à Julien Gracq le rôle d’intellectuel, et à quel point assumait-il ce rôle avec originalité ? Avant même d’interroger ce qui dans sa posture eût pu tenir de la charge d’un tel rôle, il faudrait préciser les enjeux dudit rôle, dont les questionnements qui l’entourent au XXe siècle soulèvent des problématiques tout à la fois politiques, philosophiques, éthiques et littéraires. C’est dans un cadre précis qu’il faudrait se demander si Gracq est un intellectuel : s’il en est un, de quel type pourrait-il l’être ? Et conséquemment, il faudrait d’abord se demander quelles sont au XXe siècle les conceptions de l’intellectuel, et en quoi le choix de telle ou telle posture relève d’une conception du monde plutôt que d’une autre. Que peut vouloir dire être un intellectuel original au « siècle des intellectuels »[1] ? Dès l’abord néanmoins, un problème de taille se pose : la notion même d’intellectuel est redoutablement multiforme.

Il s’agira ainsi dans un premier temps d’émettre une simple hypothèse quant à la multiplicité des rôles et fonctions assignés à l’intellectuel, s’originant dans un flottement théorique issu du marxisme et d’un questionnement circonstancié qui amène l’intellectuel à interroger son rapport à l’Histoire de même que le rôle qu’il s’y donne au sein de son théâtre. Différentes conceptions marxisantes seront arbitrairement présentées de Walter Benjamin à Michel Foucault, afin de déterminer un cadre typologique en forme de paysage : quelles sont les différentes conceptions de l’intellectuel au XXe siècle ? Ne visant pas l’exhaustivité, il s’agira plutôt de se servir de cet échantillon pour évoquer la singularité de la posture gracquienne quant au rôle de l’intellectuel. Cette singularité se retrouvera dans l’usage de la politique qu’il fait comme d’un signe vide, servant une poétique se construisant en marge de l’Histoire et du temps, dont l’esthétique du sublime est l’une des manifestations les plus remarquables.


[1]. Michel Winock, Le Siècle des intellectuels, Paris, Seuil, 1997.

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La banalisation de la doxa de la neutralité de la technique comme symptôme du nihilisme moderne : arguments critiques et cliniques, Yvan Besson, docteur en Études Environnementales, professeur de philosophie.

Vendredi 24 novembre 2023, 18 h, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse 

            De Gorgias à l’idéologie technoscientifique contemporaine, en passant par le possibilisme de la science expérimentale moderne, on peut établir le constat d’une banalisation culturelle de l’opinion selon laquelle la technique serait amorale, son usage seul étant susceptible d’être considéré comme souhaitable ou non : cette doxa culmine aujourd’hui dans une gigantesque dérive créatrice de moyens et dans l’absurdité transhumaniste.

            La recherche des causes de cette dérive aboutit au principe de l’idéologie, le déni du réel et de la connaturalité cosmique de l’homme : l’évidence du sens est généralement tue, l’idée de l’heureuse orientation des choses est moquée d’un air entendu.           

            Pourtant le thaumadzein, le geste inaugural du philosopher en tant que grec, fait écho au désir profond de la fête universelle. Il paraît alors pertinent d’évoquer les vestiges de l’état de nature en chacun, afin de soutenir la nécessité politique de la quête de l’homonoïa. On pourra alors s’aider du finalisme, en le suivant, par la beauté du monde, jusqu’à l’Intellect, d’une part, pour cerner le concept véritable de la technique avec l’idée de l’auctoritas, d’autre part pour relativiser l’obligation anthropologique de la médiation artefactuelle, en proposant le principe de la discrétion technologique.

Conférences en ligne :