Conférences 2011-2012

Jeudi 6 octobre 2011

17 h 30 : Séance de communication 

Communication de Monsieur Jean DELORD, agrégé de philosophie, docteur ès lettres, section philosophie, professeur honoraire de Lycée et à l’IUFM Midi-Pyrénées, ancien chargé de cours à l’Université

Spinoza, archéologue de l’Écriture sainte

  « La connaissance de l’Écriture doit se tirer de l’Écriture seule »

Cette loi que Spinoza applique, more logico, à sa propre écriture dans l’Éthique, nous verrons qu’elle le différencie de « L’interprés », de « La Philosophie interprète de L’Ecriture Sainte » de Louis Meyer parue en 1666 en même temps que le Traité théologico-politique. Deux ouvrages par ailleurs condamnés ensemble en 1674.

La notion spinoziste de « sola Scriptura » renvoie à un travail d’archéologue et non d’interprète. Spinoza se donne les moyens de constituer des systèmes partiels (des énoncés, dirait M Foucault) : la pensée de Moïse, de tel prophète, des faits historiques qu’ils racontent, les faits réels d’une époque, ce qu’a pu en penser un peuple dont la théorie de l’imagination décrit et déduit les caractéristiques. Il n’éclaire pas le sens des textes les uns par les autres comme s’ils étaient lisibles uniquement dans un système d’intelligibilité totale.

L’archéologie spinoziste s’appuie sur la différence entre les récits et les enseignements moraux. Or, ces « enseignements » sont démontrables par les notions communes même si celles-ci ne peuvent servir à prouver et à démontrer que l’Écriture donne des enseignements, exception faite du cas-limite de Salomon. De même si l’on quitte le TTP c’est bien à ce type d’archéologie auquel se livre Spinoza dans l’Éthique, à l’exemple du scolie de la proposition 68 qui défait l’histoire d’Adam.

Cette conférence abordera donc la question du sens, celle du statut de l’interprétation, de la place de la Raison et de la Philosophie en ce qui concerne un texte. Car l’archéologie textuelle de Spinoza fait de lui un textologue bien avant que les sciences cognitives ne s’emparent de la question et du traitement du langage. Ma thèse démontrait la « prudence » de l’écriture spinoziste, en particulier dans les scolies, véritables modèles de transformateurs textuels. Celle-ci redouble de précaution quand il s’agit de déterminer si l’Écriture Sainte est ou non une écriture, c’est-à-dire une pensée.

Car écrire, c’est philosopher. Ce n’est donc pas n’importe quel texte qui sera caractérisé comme étant philosophique par Spinoza ni n’importe quel passage de la Bible qui sera considéré comme un texte. Le Christ n’est pas reconnu pour sa divinité mais par rapport à l’idée de Dieu, Salomon n’est pas admiré pour sa sainteté mais pour sa rationalité. Judaïsme et Christianisme ne sont que des morales universelles par leur exhortation à la justice et à la charité. Le véritable statut de la loi divine n’est pas d’origine extérieure. L’Éthique prend sa source « dans le cœur de l’homme, c’est-à-dire dans la pensée humaine ».

Bibliographie minimale :

Louis Meyer, La Philosophie interprète de l’Écriture Sainte, Paris, Intertextes éditeur, 1998.

Spinoza, Traité Théologico-politique, Éthique.

Sylvain Zac, Spinoza et l’interprétation de l’Écriture, PUF, 1965.


Jeudi 24 novembre 2011

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Monsieur Jean TERREL, Professeur des Universités (Philosophie – Bordeaux III)

Le Léviathan de Hobbes :

la philosophie à l’épreuve de la politique

Sur l’exemple de l’événement que le Léviathan a représenté dans la vie de Hobbes, je tenterai de comparer deux relations possibles d’une philosophie à la politique : une relation spéculative, qui tient la politique à distance, comme domaine que la philosophie doit s’approprier pour être universelle, et une relation pratique : la politique est alors une expérience critique qu’il s’agit de penser pour y intervenir.


Jeudi 15 décembre 2011

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Monsieur Pierre Besses, professeur honoraire à l’Université de Toulouse II – Le Mirail, spécialiste de philosophie anglo-saxonne

République, identité, citoyenneté :

introduction à la pensée politique de Debray (1968-2010)

Dans le contexte de l’échec des sociétés multiculturelles (Grande-Bretagne et Allemagne), la mission de l’intellectuel est de persuader le citoyen que le communautarisme reste un défi pour les valeurs républicaines.

La République se légitime par sa capacité à construire une identité républicaine à partir des paradigmes de 1789 : la Déclaration des Droits de l’Homme sur le modèle des Constitutions américaines, dénoncées par Burke. L’essentiel pour le citoyen est de savoir ce que signifie le concept de religion civile, ciment de l’État-nation.

Ce réveil de la conscience civique après deux siècles de sommeil de la raison libérale postule une critique très althusserienne de la société de l’audimat.

Ce concept présuppose aussi une doctrine de l’individu théorisée par Durkheim ; celui-ci construit son individualisme sur une conception de la personne humaine qui fait droit à son aspiration morale et religieuse.

Cet impératif critique implique également de déconstruire le mythe libéral de Furet selon lequel la Révolution de 89 serait terminée : il importe de cultiver des oppositions toujours fécondes, pour continuer à penser et à agir : république contre démocratie libérale, liberté contre égalité, laïcité contre religions révélées.

Référence : R. Debray, Critique de la raison politique, ou l’inconscient religieux, Gallimard, 1980, Seconde section : « Physique de l’orthodoxie ou l’inconscient politique », Ch. 4 : « Comment le collectif avance en reculant »


Jeudi 26 janvier 2012

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Monsieur Julien LYSENKO, certifié en philosophie, titulaire d’un Master II en philosophie

Comment nous construisons nos connaissances

Dans La Construction logique du monde, Carnap avait commencé à reconstruire toutes nos connaissances à partir des éléments fondamentaux ; soit des objets fondamentaux et des relations fondamentales. Il avait choisi pour ordre celui de notre connaissance, donc son projet avait pour objectifs supplémentaires de fonder au mieux nos connaissances et d’établir la science unitaire (c’est-à-dire la seule science qui existe et dont les sciences actuelles sont des parties pour l’instant mal reliées).

Néanmoins il peut sembler que dans son choix des éléments fondamentaux Carnap a fait une erreur méthodologique ; Carnap lui-même dans la seconde préface à son livre nous dira que si le projet était à refaire il prendrait d’autres éléments fondamentaux.

C’est pourquoi nous allons essayer de voir le processus essentiel dans la construction de nos connaissances, dans une orientation très proche de celle de Carnap même si plus empiriste et moins logicienne, à partir des éléments qui nous paraissent fondamentaux.


Jeudi 9 février 2012

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Madame Simone GOYARD-FABRE, professeur émérite de l’Université de Caen et de Monsieur Francis JACQUES, 
professeur émérite de la Sorbonne nouvelle (Paris III).

Le primat de la relation : une autre philosophie

La philosophie occidentale moderne, dont, peu ou prou, nous sommes tous les légataires, a fait du sujet le creuset de toute pensée. Or, de l’égologie qui est au centre du cogito cartésien, de la monadologie leibnizienne, du criticisme kantien, de la phénoménologie husserlienne et même de la méditation de Levinas ou de Lavelle, se distingue une autre philosophie, fondamentalement dia-logique, qui repose sur la primauté logique et ontologique de la relation.

Ainsi, le langage est inter-locution et ne trouve son sens que dans le dialogue et la communication ; de même, la recherche scientifique, l’éthique, la politique, le droit, la religion … ne prennent leur véritable dimension qu’inscrits dans le contexte inter-subjectif de la co-signification qu’ils développent. C’est donc peu de dire que « le moi est haïssable ». Loin d’être un principe irrécusable, il doit céder la place à une relationnalité radicale et a priori, ontologiquement constitutive de toutes les opérations de la pensée et de l’action.

Il importe de prendre la mesure du retournement que provoque en philosophie la reconnaissance des paramètres inter, dia, avec… et de baliser les voies noétiques qu’il inaugure en renouvelant, sur la base de ses requêtes fondamentales, la démarche dialogique de l’acte de penser.


Le Centre International C.A.I.R.O.S., la Telesio Galilei Academy of Science, la Société Toulousaine de Philosophie, l’Association des Amis de l’Hôtel d’Assézat et l’Académie d’Occitanie des Arts, Lettres, Sciences et Traditions Populaires ont le grand plaisir de vous convier à deux conférences du Professeur Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation Nationale, le mercredi 21 mars 2012 :

de 10 h à 12 h 30, salle du Sénéchal, 17 rue Rémusat, Toulouse :

« La naissance de la philosophie occidentale :

une relecture du voyage d’Ulysse »

et

de 14 h 45 à 16 h 45, salle Clémence Isaure, Hôtel d’Assézat, Place d’Assézat, Toulouse :

« Les deux humanismes : des Lumières à nous »


Jeudi 22 mars 2012

17 h 30 – Séance de communication (en partenariat avec l’Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public)

Communication de Monsieur Evanghelos MOUTSOPOULOS, membre de l’Académie d’Athènes

La dialectique de l’identité culturelle à l’ère de la mondialisation

Revenir aux valeurs traditionnelles devient un postulat catégorique. Faut-il donc préserver les cultures nationales, garantes de la tradition et de l’identité ? Et la mondialisation ? Qu’en ferait-on? Sa présence est une réalité indiscutable. C’est ici que la dialectique interviendrait. On tâcherait de retenir les éléments positifs de la mondialisation tout en renforçant la dignité des cultures nationales, partant la tradition tout court. Cette dialectique peut, malgré les impasses qu’elle réserve, aboutir à un résultat acceptable. Cependant, la vigilance suivie devra en l’occurrence être de rigueur. Ou bien la protection des valeurs sera prioritaire ou bien l’humanité sera prise à son propre piège, tel l’apprenti sorcier. L’identité culturelle nationale, face à l’altérité expérimentale de la mondialisation, figure comme un havre sûr, face à une mer déchaînée ; un havre où l’on peut, en toute sérénité, mais sans insouciance, attendre que le calme revienne. Ce serait atteindre la convergence dont j’ai mentionné les mérites au début de mon exposé, du moins à un certain degré. En retardant ainsi la marée menaçante, le tsounami, de la mondialisation, on serait peut-être en mesure de la freiner et d’en canaliser l’élan au profit non plus de ses promoteurs, mais de l’avenir de l’humanité.


Jeudi 26 avril 2012

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Monsieur Norman AJARI, doctorant en philosophie

Introduction à la pensée politique noire : des socialismes africains

à la critique postcoloniale

  L’objet inédit de la pensée noire n’est pas « la race », mais la manière dont la ligne de démarcation de couleur a pu produire la spectaculaire « récusation originaire de l’humain dans l’Africain » (Achille Mbembe) qui fut le fait de l’esclavage et de la colonisation. Mais c’est aussi un questionnement pratique quant à la façon de s’en sortir. Les mouvements indépendantistes furent indistinctement mus par des ambitions pratiques de développement et par la nécessité d’une reconquête d’une humanité confisquée – inquiétant par là, au sein même de la théorie révolutionnaire, le partage marxiste entre base et superstructure. Proposer une brève histoire de ces théories que la « Métropole » connaît peu, c’est ainsi présenter une série de réinventions des traditions philosophiques et politiques occidentales, dont les tumultes des temps ou la persistance des stéréotypes ont trop souvent oblitéré l’originalité.


 Jeudi 24 mai 2012 

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Monsieur Émeric TRAVERS, docteur en science politique, professeur de philosophie au Lycée Rive gauche (Toulouse), chargé de cours à l’ICT

 Kelsen et la distinction des ordres

La théorie du droit que nous devons à Hans Kelsen est surtout réputée pour sa défense d’une approche positiviste du droit. La Théorie pure du droit est donc la formulation d’une science du droit exempte de toute visée normative. Moins connue, moins citée, sa Théorie générale des normes vise, quant à elle, une pureté qui n’est plus simplement épistémique mais proprement ontologique. Kelsen y défend la nécessité de distinguer les ordres causal, normatif et logique. Son analyse de l’impératif de l’habileté tel qu’il est formulé par Kant, nous permet de saisir le refus par Kelsen d’admettre une objectivité des normes, c’est-à-dire la possibilité pour le devoir être de découler de la nature des choses.


Jeudi 21 juin 2012

17 h 30 – Séance de communication

Communication de Madame Patricia Verdeau, agrégée de l’Université, docteur en philosophie, Université de Toulouse II – Le Mirail

Le programme de philosophie (en terminale)

entre la déférence et la recherche : esprit d’une époque ?

Approche d’une histoire des programmes de philosophie

La question des programmes peut être traitée de manière très large. Notre ambition n’est pas de proposer une analyse exhaustive et technique des textes et contextes, mais d’explorer, à travers l’histoire même des programmes de philosophie, comment ils se manifestent en lien et en adéquation avec des objectifs nationaux, institutionnels, avec un projet politique en articulation avec un état de la société. Par ailleurs, nous tentons d’examiner comment ils peuvent rendre compte d’un état de la recherche en philosophie, mais aussi des conceptions contemporaines de l’histoire de la philosophie. Quel est à un moment donné de l’histoire des XIXème et XXème siècles la manière dont on perçoit l’histoire de la philosophie, l’identité même de ce qu’on entend par culture philosophique ? La question des enjeux institutionnels croise alors celle des enjeux intellectuels. Pour chaque programme, il est question d’appréhender un degré d’adéquation avec un projet politique, de compromis, de déférence, d’audace critique et par ailleurs, d’évaluer un degré d’appréhension des recherches philosophiques contemporaines.