Conférences 2006-2007

Samedi 14 octobre 2006

16 h 30 – Séance de communication.

Table ronde autour du Congrès de Budapest.

Avec la participation de Monsieur le Professeur Jean-Marc GABAUDE, Monsieur Joël GUYADER, Madame Danièle PEYTAVI.

Le même et l’autre

Identité et différence

A l’aube du XXIe siècle resurgit paradoxalement une problématique apparue à la naissance de la philosophie. L’interrogation philosophique sur le même et l’autre renvoie en effet à une question fondamentale de l’ontologie classique, mais en même temps à une interrogation devenue pressante aujourd’hui sur l’identité et la différence, sur le sujet et son rapport à l’autre, à tous les autres dans la figure d’une humanité commune à tous les hommes. Platon se demandait déjà : « Comment si le tout existe, chaque chose peut-elle exister séparément ? »

La vie psychologique, sociale, politique est traversée par une tension entre être soi avec l’autre et être soi contre l’autre, jusqu’à l’ultime négation de l’autre par le meurtre qui marque les commencements de l’humanité et qui, sous les formes les plus diverses, n’a jamais disparu de l’histoire.

L’exigence de la raison est de dépasser cette opposition par l’universalité conquise des droits et des devoirs, mais elle se heurte à une réalité rebelle : l’histoire, la géographie, les conditions concrètes de l’existence semblent imposer, pour qu’un vivre ensemble soit concevable, que soient prises en compte les différences, les identités particulières soucieuses d’être reconnues comme telles au sein des groupements humains, de quelque nature qu’ils soient, menaçant par leurs revendications mêmes le principe de l’égalité propre à la démocratie. Dès lors des voies nouvelles de liberté peuvent être envisagées pour un humanisme ouvert sur l’avenir de l’humanité.

Mais la problématique du même et de l’autre appelle aussi une réflexion sur l’autre de l’homme, qu’il s’agisse de l’univers qui se donne à connaître à la science (connaître c’est identifier, disait Meyerson), à dominer par les techniques, à reconnaître comme nature souveraine, ou comme le Tout Autre dans certaines religions.

Dès lors, c’est la philosophie même, dans toutes ses ressources, qui est interpellée par le thème de ce XXXIe Congrès.

Tous les deux ans, l’Association des Sociétés de Philosophie de Langue Française (A.S.P.L.F.) organise un Congrès international permettant la rencontre, l’échange et la mise en commun des pensées sur un thème proposé à des philosophes de langue française. Le précédent Congrès s’est déroulé à Nantes, en 2004, sur le thème : « L’HOMME ET LA REFLEXION ». Le Congrès de Budapest a été co-organisé par la Société Hongroise de Philosophie de Langue Française et l’Institut de Philosophie de la Faculté des Lettres de l’Université ELTE de Budapest (Hongrie), avec le soutien de l’Université de Bologne (Italie).


Samedi 18 novembre 2006

16 h 30 – Séance de communication.

Conférence de Monsieur Stéphane ROBILLIARD, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé et docteur en philosophie, professeur de classes préparatoires au lycée Saint-Sernin à Toulouse, chargé de cours à l’Institut Catholique de Toulouse.

Approches de la personne

De la simple désignation grammaticale à l’assignation morale ou au postulat d’une entité métaphysique, la personne fait partie de ces notions dont l’apparente simplicité recouvre une multiplicité de significations enchevêtrées. La « personne » est-elle un substantif désignant une réalité objective, un étant dans le monde, ou un titre impliquant une dignité ? La délimitation de la différence entre « quelque chose » et « quelqu’un » relève-t-elle de la décision individuelle, de la compétence d’un scientifique spécialisé, ou d’une conviction morale ou religieuse ?

Ces questions ont des conséquences pratiques lourdes et renvoient à des situations dont le caractère pathétique semble devoir réduire le philosophe au silence mais rend d’autant plus nécessaire une véritable réflexion « fondamentale », c’est-à-dire métaphysique. Plutôt que de développer une « théorie de la personne » déterminée, nous tenterons de dégager et de mettre en rapport quelques-unes des grandes lignes d’approche de cette notion.


Vendredi 1er décembre 2006

Colloque organisé en partenariat avec la Faculté de Philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse

Philosophie et politique

Genèse, élaboration et devenir de la communauté politique

14 h 30 – 19 h 00 :

Anne BAUDART, professeur de Première Supérieure au Lycée Molière (Paris), maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

« Athènes, Rome : naissances de la philosophie politique »

Géraldine LEPAN, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, PRAG, docteur en philosophie, Université de Toulouse-Le Mirail.

« De l’artifice du contrat à l’amitié civique : Rawls via Rousseau »

Emeric TRAVERS, professeur de philosophie à Toulouse, docteur en philosophie.

« Politique et subjectivité chez Charles Taylor »

Martin BAYAMBA, doctorant, assistant à la Faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse.

« Autour de la mondialisation comme fait politique : le sens de l’humain chez Hannah Arendt et le monde global »

20 h 30 :

Bernard BOURGEOIS, membre de l’Institut, professeur émérite (Université de Paris I), président de la Société Française de Philosophie.

« La fin du politique ? »


Samedi 13 janvier 2007

16 h 30 – Séance de communication, organisée en partenariat avec l’Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public.

Conférence de Madame Eliane ESCOUBAS, Professeur émérite de philosophie à l’Université de Paris XII-Val de Marne.

Esquisse d’une phénoménologie de l’art : Henri Maldiney

Philosophe phénoménologue, Henri Maldiney, né en 1912, travaille encore assidûment. Ami du peintre Tal Coat, des poètes André du Bouchet et Francis Ponge, du psychiatre Binswanger, le thème central de sa recherche peut être désigné comme celui du « phénomène de l’existence », dont il décrit superbement l’originarité au plan de l’art, comme au plan de la pathologie. On se limitera, dans cette conférence, au plan de l’art pictural dont on essayera de déployer la richesse descriptive et conceptuelle dans les travaux de Maldiney. On privilégiera les ouvrages suivants : Regard, parole, espace (L’Age d’homme, 1973), Art et existence (Klincksieck, 1985), L’art, l’éclair de l’être (Ed. Compact, 1993), Ouvrir le rien, l’art nu (Ed. Encre marine, 2000).

Samedi 3 février 2007

16 h 30 – Séance de communication.

Conférence de Madame Mireille ARMISEN-MARCHETTI : professeur de langue et littérature latines à l’Université de Toulouse-Le Mirail. Spécialiste d’histoire des idées philosophiques et scientifiques à Rome.

A quoi servait un traité de Sénèque ?

Sénèque (4 av. J.-C – 65 ap. J.-C.), avocat, homme politique et ministre de Néron, a été longtemps un écrivain admiré autant qu¹un philosophe décrié. Il aurait composé des ouvrages désordonnés, superficiels, où le souci stylistique masquerait mal les faiblesses de la pensée. Ce jugement, qui apparaît dès l’Antiquité, repose sur un malentendu et sur une méconnaissance de la nature et du rôle de la philosophie à l¹époque hellénistique et romaine. Les recherches de ces dernières décennies ont montré que Sénèque était un stoïcien bien informé, précis, voire novateur, mais aussi qu’à ses yeux le système ne se réduisait pas à une pure construction dialectique. La philosophie est assurément un savoir, mais par-delà ce savoir elle est aussi une intériorisation, un lent travail sur soi destiné à produire une métamorphose de la conscience et du rapport au monde, et cela par le biais de toute une panoplie d’ « exercices spirituels », pour reprendre la formule de Pierre Hadot, dont on trouve trace aussi bien chez Sénèque que chez Epictète et Marc Aurèle. C’est ce que l’on fera voir à partir de textes précis, qui montreront aussi comment la recherche formelle, loin d’être virtuosité littéraire, est partie intégrante de ce projet d’appropriation.

Ouvrages :

Sapientiae facies. Etude sur les images de Sénèque, Paris, Belles-Lettres, 1989

Macrobe. Commentaire au songe de Scipion. Livre I . Texte critique, traduction et commentaire, C.U.F., Paris, Les Belles Lettres, 2001

Macrobe. Commentaire au songe de Scipion. Livre II . Texte critique, traduction et commentaire, C.U.F., Paris, Les Belles Lettres, 2003


Samedi 17 mars 2007

16 h 30 – Séance de communication.

Conférence de Monsieur Vincent KLEIN, professeur agrégé de philosophie, doctorant.

L’autonomie du vivant chez Francisco Varela

A l’heure où prime la métaphore du programme pour expliquer la vie (programme génétique) et la connaissance (programme informatique), Varela (chercheur chilien en biologie théorique et en sciences cognitives) s’est efforcé, depuis les années 1980, de repenser à nouveaux frais les relations entre l’organisme et son milieu. Cet effort a donné lieu à deux idées tout à fait nouvelles : 1) l’organisme et le milieu ne sont pas séparés mais en interaction continue ; 2) l’organisme est autonome, dans la mesure où il ne reçoit pas d’instruction mais donne sens à son milieu en se donnant un monde propre.

Nous exposerons le contenu de ces deux idées, en insistant sur leur nouveauté, et nous terminerons par une interrogation critique qui visera principalement la notion d’autonomie. Que peut bien signifier, dans le cadre de nos relations à l’autre, cette façon de mettre l’accent sur la cohérence interne ?


Samedi 21 avril 2007

16 h 30 – Séance de communication

Conférence de Monsieur Denis FAÏCK, docteur en philosophie, chercheur au CNRS (Paris IV-Sorbonne)

Agonie postmoderne du sujet. Le statut philosophique

du sujet dans la littérature française contemporaine.

La littérature française contemporaine (nous la considérons ici depuis à peu près la moitié des années quatre-vingt) tend à illustrer l’esprit, disons, postmoderne, de la fin du XXe siècle, qui a encore cours aujourd’hui : ébranlement de la connaissance, relativisme, déréliction de l’homme. Les sujets de la littérature, le sujet-lecteur, le sujet-personnage et le sujet-écrivain, incarnent cet esprit qui évolue sans repères précis dans un « environnement » qui échappe par essence à toute tentative de définition, d’orientation, à toute aspiration à un progrès possible. L’idéal du sujet cartésien et ainsi d’une connaissance et d’une maîtrise possible du monde est, si l’on ose dire, à l’envers, à l’antipode. On passe de « maître et possesseur » à possédé et « esclave ». Il s’agira de montrer, à travers l’œuvre de certains écrivains, ce sujet dans la tourmente.


Samedi 12 mai 2007

16 h 30 – Séance de communication.

Conférence de Monsieur Eric BORIES, agrégé et docteur en philosophie, professeur au Lycée Bellevue (Toulouse).

Hegel et le droit

Lorsque Hegel déclare en 1820, dans ce qu’il faut bien considérer comme son œuvre de maturité sur la question, que « le système du droit est le règne de la liberté effectuée, » 1, il ne faut pas se méprendre sur ses intentions. Son but n’est tout d’abord pas de supprimer une conception du droit, explicitement présente chez Fichte par exemple, qui se définirait comme un droit de contraindre. Hegel ne se propose pas non plus, comme on a souvent cru le lire, de substituer un néo-institutionnalisme, aussi critique envers les partisans de l’École historique du droit qui se satisfaisaient de reconnaître l’origine du droit au cœur des coutumes, qu’envers le droit moral qui préférait enfermer cette origine dans l’intimité de la conviction du sujet moral. Enfin l’institutionnalisme hégélien qui professe certes que l’institution s’affirme comme « la puissance du rationnel dans la nécessité »2 ne saurait non plus, à nos yeux, anticiper la thèse wébérienne qui consiste à reconnaître l’État moderne comme « le monopole de la violence physique légitime. »3

Nous voudrions montrer que ces aspects du droit ne sont pas supprimés chez Hegel, mais enveloppés selon une conception du droit que Jean-François Kervégan a qualifié d’ « institutionnalisme faible ». Cet enveloppement est d’ailleurs visible dans le développement qu’en propose Hegel dans les Principes de la philosophie du droit. La concrétion de l’idée de la liberté se génère en effet successivement selon le moment du droit strict, puis du droit moral, puis de l’éthicité (qui englobe une histoire du monde). Il nous semble que cette conception originale du droit nous invite à nous interroger en au moins quatre directions :

En quoi les figures du droit différentes de celles de l’éthicité sont-elles considérées comme « abstraites » par Hegel ?

De quelle façon précise le droit hégélien peut-il à la fois critiquer et assumer la moralité ? Par voie de conséquence, si la norme du droit hégélien ne réside ni dans les institutions historiques, ni dans la représentation subjective du Bien, comment le hégélianisme résout-il le problème de la normativité du droit ?

Comment penser le droit dans le sens d’une « moralité objective » ? Ce qui pose le problème de l’articulation de la philosophie du droit à la philosophie de l’Esprit.

Comment enfin l’institutionnalisme hégélien articule-t-il les droits du sujet individuel à ceux de la société éthique ou politique ?


Samedi 2 juin 2007

16 h 30 – Séance de communication.

Conférence de Monsieur Daniel VIGNE, agrégé et docteur en philosophie, docteur en théologie, professeur de théologie à l’Institut Catholique de Toulouse et professeur en classes préparatoires au lycée Saliège.

Lanza del Vasto et Hegel

Lanza del Vasto (1901-1981), né en Italie d’une famille aristocratique, docteur en philosophie de l’Université de Pise, fait en 1937 le voyage en Inde qu’il raconte dans le Pèlerinage aux sources. La rencontre de Gandhi le bouleverse ; il décide de vouer sa vie à la non-violence. Il fonde en France la communauté de l’Arche, sillonne le monde, s’engage dans des combats qui le rendent célèbre contre la torture pendant la Guerre d’Algérie, contre la course à l’arme nucléaire, etc. Mais cet infatigable pèlerin n’est pas seulement le « Serviteur de paix » dont l’histoire garde la haute image patriarcale. Il est aussi un écrivain de génie, un penseur puissant et un poète plein de talent. Derrière l’homme d’action se tient le philosophe spéculatif, auteur d’une métaphysique de la Relation ; le chrétien ouvert, précurseur du dialogue interreligieux ; le pionnier visionnaire d’un retour aux valeurs essentielles.

L’aspect philosophique de son œuvre, encore méconnu, mérite une attention toute particulière. Il est centré sur une intuition que Lanza del Vasto lui-même résume ainsi : « Si tout est relatif, l’absolu par soi-même se pose : c’est la relation. » Une telle pensée n’est pas sans rappeler la vision dialectique de Hegel, mais elle en diffère sur des points importants. L’examen précis de ces différences nous permettra de mieux cerner l’originalité de la métaphysique de Lanza del Vasto : celle d’une ontologie relationnelle se déployant en « dialectique de la conciliation ». Nous évoquerons le lien entre cette philosophie et celle de Nicolas de Cuse, à travers l’idée de coincidentia oppositorum ad infinitum et le rôle-clé de l’Infini. Enfin, nous soulignerons l’ampleur d’une œuvre systématique qui frappe par sa cohérence et qui fait honneur à la philosophie française du XXe siècle.