Conférences 2018-2019

Vendredi 19 octobre 2018

18 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 81,rue saint-Roch ou 3, place Guy Hersant (même lieu), Toulouse, salle 19.

Communication de Monsieur Guillaume BIREN, professeur agrégé de philosophie, doctorant.

Qu’est-ce qu’une société historique ?

Retour sur les sociétés « chaudes » et « froides »

On sait comment dans Race et Histoire Claude Lévi-Strauss critique l’idée de progrès et toute variante d’évolutionnisme qui inscrirait les différentes formes de l’humanité sur une seule échelle de valeur, permettant de ce fait à une société particulière de s’arroger une supériorité arrogante sur les autres. Il semble donc qu’un certain relativisme culturel vient évacuer les prétentions d’une philosophie de l’Histoire téléologique et occidentalo-centrée. Il n’y a pas d’une part de peuples-enfants à éduquer, et d’autre part de peuples-adultes éducateurs ; toutes les sociétés sont plongées dans l’histoire au même niveau.

Cependant cela ne signifie pas que toute société ait le même rapport à l’histoire et au temps. Lévi-Strauss distinguera dans l’article la notion de structure entre les sociétés pour lesquelles conviennent soit des modèles « mécaniques » soit des modèles « statistiques », celles caractérisées par un temps réversible et un refus de l’histoire et de l’événement, et celles au contraire caractérisées par un temps irréversible, ouvertes à l’histoire et à l’événement. Cette même distinction sera reprise ensuite sous les termes de « sociétés froides » et « sociétés chaudes ». Cela ne revient-il pas à dire qu’il y a des sociétés plus historiques que les autres ? Mais que peut signifier alors cette « ouverture » à l’histoire dans les sociétés chaudes, et cette « fermeture » dans les sociétés froides si l’on ne doit pas reconduire les hiérarchies naïves qui ont été rejetées ? Et réciproquement à quoi se « ferme » les sociétés froides pour entrer plus avant dans l’histoire ?

Nous examinerons la manière dont Lévi-Strauss tente de penser l’historicité des sociétés ainsi que les ambiguïtés et limites de sa conceptualisation.


Vendredi 23 novembre 2018

18 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 81, rue saint-Roch ou 3, place Guy Hersant (même lieu), Toulouse, salle 19.

Communication de Monsieur Antoine MARTIN, étudiant à l’ESPE de Toulouse, titulaire d’un MASTER 2 de philosophie.

A la croisée des deux chemins possibles ,Luc Ferry réhabilite l‘idéal de la

Vers une ontologie optimiste chez Cioran

     Cioran est souvent caractérisé comme un auteur pessimiste et ne disposant pas d’un système à proprement dit philosophique. Cependant, sa pensée, bien qu’ambivalente à bien des égards, reste plus fine et plus complexe qu’elle n’y paraît puisqu’elle semblerait s’articuler autour d’une certaine ontologie. Cette philosophie de l’être s’organiserait autour d’un axe central faisant office de but possible à atteindre afin que l’homme puisse façonner son être, qu’il puisse lui permettre un dépassement et ainsi lui permettre de passer d’une essence « grotesque » à une essence de raison que Cioran nomme « paroxysme ». De ce « paroxysme », surgirait une possibilité transcendante, une ontologie du possible annonçant une reconquête de l’être. Cette particularité presque existentialiste de la philosophie Cioranienne permettrait peut-être une lecture plus optimiste de cet immense auteur.

Nous tâcherons donc d’exposer en quoi ce système peut s’arracher de sa catégorisation en tant que nihilisme et nous verrons en quoi la maladie tient ici un rôle prépondérant au sein d’une pensée à la fois organique (car axée sur le corps) et en tension (car tiraillée entre plusieurs pôles d’intensités). Pour cela nous nous focaliserons principalement sur deux ouvrages de l’auteur, à savoir Sur les cimes du désespoir et La chute dans le temps.


Vendredi 18 janvier 2019

17 h 00 – Séance de communication – ESPE, 181, avenue de Muret, Toulouse, amphi Dolto (entrer sous le porche, et c’est à droite). Tramway : arrêt « Av. de Muret M. Cavaillé ».

Communication de Madame Sara Jácome González, doctorante en philosophie.

DU PERSPECTIVISME AU RATIOVITALISME.

UN CHEMINEMENT À TRAVERS LA PHILOSOPHIE

DE JOSÉ ORTEGA Y GASSET

José Ortega y Gasset (1883-1955) est le plus célèbre philosophe espagnol du XXème siècle, créateur d’une philosophie originale : le « ratiovitalisme ». Au-delà du rationalisme et du vitalisme, Ortega propose une théorie fondée dans les concepts de circonstance et de vie comme réalité radicale qu’avancent plusieurs thèses de l’existentialisme.

En examinant la théorie de la perspective, on découvrira, d’une part, que pour Ortega, il est impossible d’accéder à la réalité dans sa complétude et, qu’en conséquence, il ne nous reste qu’un seul accès possible : le point de vue, la perspective. D’autre part, on remarquera que chacun des êtres humains est nécessaire. Dans les mots d’Ortega, « chaque homme a une mission de vérité », étant donné que la vérité, du moins celle qu’est accessible à l’être humain, n’est que la synthèse d’un nombre incalculable de perspectives.

À travers une révision de la « théorie de la circonstance », on essayera d’approfondir dans la relation intime et nécessaire existant entre l’être humain et sa circonstance, ce qui se résume dans la célèbre phrase : « Je suis moi et ma circonstance, et si je ne la sauve pas, je ne me sauve pas moi non plus » (1914). On découvrira que la circonstance, pour Ortega, est externe, mais aussi interne et qu’elle suppose des limites à la vie humaine, mais aussi sa condition de possibilité.

Nous tâcherons de trouver le cheminement de la philosophie d’Ortega pour arriver à sa philosophie ratiovitaliste. On examinera la première phase d’Ortega que l’on peut nommer « objectiviste » pour arriver à la phase « perspectiviste », où on peut trouver déjà la jeunesse de la philosophie orteguienne de maturité.


Vendredi 1er février 2019

 18 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle 19.

Communication de Monsieur Eric TRELUT,professeur de philosophie.

Est-ce que le creux est dans l’univers ou dans nos têtes ?


Comme en un écho philosophique, au grand poème de T. S. Eliot, The Hollow Men, Les hommes creux, le philosophe québécois Charles de Koninck  (1906-1965) soutient que le monde des mathématiques est, en raison de son formalisme, essentiellement vide. En effet, l’existence du monde, des êtres vivants et de l’homme ne se réduit pas à une somme de manipulations abstraites. Charles de Koninck s’appuie aussi bien sur Einstein, pour qui « es conclusions obtenues par des processus rationnels sont, du moins en ce qui concerne la réalité, entièrement vides », que sur Arthur Eddington qui voyait dans le monde de la physique mathématique « un monde fantomatique de symboles ». Pourtant, c’est aussi ce vide des pures constructions mathématiques qui en fait des outils si efficaces en physique.

« Nous avons découvert l’étrange empreinte d’un pas sur le rivage de l’Inconnu. Pour expliquer son origine nous avons bâti théories sur théories, toutes plus ingénieuses et plus profondes les unes que les autres. Nous avons enfin réussi à reconstituer l’être qui laissa cette empreinte, et cet être, il se trouve que c’est nous-même ! » Eddington A. Espace, Temps et Gravitation, 1921. (Trad. J. Rossignol), Hermann.
 
« Il convient alors de s’interroger sur le fondement du pouvoir créateur des mathématiques ou de leur caractère générateur en physique. Selon Charles de Koninck, la fécondité des mathématiques en physique débouche sur une intériorisation de la figure philosophique de l’ange.


Vendredi 22 février 2019

17 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle 19.

Communication du Père Pavel Syssoev, père dominicain.

Philosophie et théologie

Ces deux disciplines parlent de Dieu : le font-elles nécessairement en concurrence ? La théologie a-t-elle besoin de philosophie pour parler de Dieu ? La question de Dieu, est-elle une source de fécondité pour la philosophie ? La théologie des philosophes et la théologie des théologiens – comment penser leur articulation ?


Vendredi 29 mars 2019

18h 00- Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle 19.

Communication de Monsieur Jean-Louis BLAQUIER, docteur en philosophie, professeur à Toulouse

Vers une « géologie du savoir » soit la Spaltung,
la division théorique nécessaire entre Réel /Fiction
qui émerge du discours de l’inconscient
découvert par Freud

La conjonction objective des savoirs neuroscientifiques, ethnologiques, anthropologiques majore, renforce, vérifie – quitte à la relativiser – la définition, l’approche freudienne de l’inconscient.

À partir de Lacan, la question du symptôme social chez Marx (Le Capital, Section VIII – ch. 31) s’éclaire d’une fiction logique, sociologique, politique, économique du Léviathan (Hobbes) jusqu’à son devenir Capital (Tony Negri, Gramsci,  A. Gorz).

Cet exposé fait suite à une soutenance de Thèse en 2007 à Montpellier 3 dont voici l’intitulé :

Université Paul Valéry Montpellier 3 Arts, Lettres et Sciences humaines Temps et Civilisation

« L’antiphilosophie de J. Lacan (Lacan et la politique: pour une archive généalogique du Réel) »

Étude dirigée par : Bernard SALIGNON, Professeur

M.  Sidi ASKOFARÉ, Professeur, Université Toulouse II – Le Mirail

M. Jean-Daniel CAUSSE, Professeur, Université Montpellier III

M. Moustapha CHÉRIF, Professeur, Université d’Alger (Algérie)

M.  René MAJOR, Professeur au Collège International de Philosophie (Paris)


Vendredi 19 avril 2019


17 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle de réunion 2.

Communication de Marc CONTURIE, professeur certifié de philosophie.

L’existence face à Dieu, selon quatre auteurs modernes : Pascal,

Kant, Kierkegaard et Simone Weil 

La Modernité, en philosophie, se caractérise par une mise en doute radicale de certains principes médiévaux, particulièrement celui, cher à saint Thomas d’Aquin notamment, de l’union harmonieuse de la foi et de la raison. Corrélativement, c’est le rapport à Dieu lui-même qui change, chez les Modernes : autant la piété et la spéculation sur les mystères divins semblent inséparables au Moyen-âge, autant les Modernes semblent vouloir les séparer, voire les opposer l’une à l’autre, comme si le « Dieu des philosophes » n’était plus celui de la Révélation… De cette « crise » spirituelle naît une ligne de pensée singulière, consistant à diminuer radicalement les prétentions de la raison à parler des grands mystères avec pertinence, tout en survalorisant le rapport existentiel de l’individu à Dieu comme seule religiosité authentique. Quatre auteurs sont symptomatiques de cette nouvelle religiosité en philosophie : Blaise Pascal, Emmanuel Kant, Sören Kierkegaard et Simone Weil. L’exposé que nous proposons est le condensé d’un cours récemment donné à Dax pour l’ATPA (Antenne théologique des Pays de l’Adour), et tentera de faire voir, au-delà des différences irréductibles que présentent ces auteurs entre eux, certains traits profondément communs concernant le thème annoncé.


Vendredi 17 mai 2019


17 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle de réunion 2.

Communication de Bernard HUBERT,directeur des Cahiers Maritain.

Yves R. Simon (1903-1961), un philosophe franco-américain,

disciple, ami et « frère d’armes » de Jacques Maritain

Né à Cherbourg en 1903, Yves Simon intègre la khâgne du Lycée Louis-le-Grand à Paris. S’orientant vers la philosophie, Yves Simon s’inscrit en licence simultanément à la Sorbonne et à la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris où il suit les cours de Jacques Maritain qu’il rencontre pour la première fois en janvier 1922. Yves Simon sera « l’un des meilleurs et plus chers étudiants » de Jacques Maritain jusqu’à la soutenance de son doctorat, alors qu’il avait été un temps attiré par l’étude des premiers socialistes utopistes. Yves Simon participe aussi aux travaux de la Société de philosophie de la nature (1925-1932) fondée par J. Maritain, et ses premiers ouvrages universitaires, Introduction à l’ontologie du connaître et Critique de la connaissance morale sont publiés en 1934 chez Desclée De Brouwer dans la collection « Bibliothèque française de philosophie », dirigée par Jacques Maritain.

Après avoir enseigné à l’Institut catholique de Lille de 1930 à 1938, en assurant entre autre une série de cours sur Proudhon, Yves Simon émigre aux États-Unis avec sa femme et ses quatre enfants, pour enseigner la métaphysique thomiste à l’Université de Notre Dame (Indiana). Arrivé en 1938 aux États Unis, Yves René Simon demande, en 1946, la nationalité américaine. Ses relations épistolaires avec Jacques Maritain, déjà régulières depuis 1927, se poursuivent grâce à une correspondance amicale nourrie qui relate autant ses travaux d’enseignant-chercheur, que les difficultés rencontrées par sa famille avec leurs six enfants, dans leur nouvelle vie aux États-Unis. Cette correspondance publiée en 2 volumes, Tome 1 : Les années françaises (1927-1940), Tome 2 : Les années américaines (1941-1961) permet de suivre le développement de leur profonde amitié.

À partir de 1948, Jacques Maritain, revient aux États-Unis qu’il avait quittés le temps de l’ambassade au Vatican (1945-1948). Yves René Simon, qui enseigne depuis 1948 à l’université de Chicago au sein du « Committee of Social Thought », joue un rôle important pour l’acclimatation de J. Maritain aux mœurs universitaires américaines. Ensemble les deux philosophes développent de conserve leur œuvre de philosophie politique, et ils publient la même année, en 1951 aux Presses universitaires de Chicago : Man and the State pour Jacques Maritain et Philosophy of Democratic Government pour Yves Simon. Lorsque Yves Simon s’éteint en 1961, Jacques Maritain qui rentre en France reconnaît en Yves Simon son « frère d’armes » pendant ses années américaines.

Le philosophe Yves Simon, réunit de manière remarquable les traits du disciple ayant soutenu sa thèse de philosophie sous la direction de Jacques Maritain, les traits de l’ami « si profondément aimé » et du confident qui échange une importante correspondance pendant au moins 40 ans, et les traits du « frère d’armes » qui a coopéré avec J. Maritain à la construction d’une interprétation thomiste de la démocratie.

Ce triple constat donne à Yves Simon une place unique parmi les proches de Jacques Maritain, et à cet égard ses travaux contribuent à éclairer l’œuvre spécifique de Jacques Maritain. Car Yves Simon a produit une œuvre importante et originale de philosophie (métaphysique, philosophie des sciences, logique, éthique, philosophie politique) bien souvent complémentaire de celle de Jacques Maritain dans une fidélité à leur principes communs et une réelle autonomie dans leurs approches respectives.


Vendredi 7 juin 2019

17 h 00 – Séance de communication – Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse, salle de réunion 2.

Communication de Frédéric RIPOLL, photographe

Faire ou agir ? Est-ce que la photographie est un art ?

Dans une précédente conférence, j’avais essayé de montrer que si « la photographie est un art peu sûr 1», sa théorisation l’est encore moins.

« La magie de la photo, c’est que c’est l’objet qui fait tout le travail. Les photographes ne l’admettront jamais…. » 2. Face au questionnement ontologique posé par la photographie Baudrillard met les pieds dans le plat.

Dans ces conditions, comment peut-on parler de photographie « créative », qui est déjà une contradiction dans les termes ? Ou même affirmer, non sans une certaine audace, qu’elle est « plastique malgré tout » 3 ?

Pour tenter de savoir si la photographie est un art ou à quel genre d’expression elle appartient, il faut savoir surfer sur les concepts et slalomer entre des auteurs aussi différents que Paul Claudel, Salvador Dali, Michel Tournier, George-Bernard Shaw ou Wim Wenders en nous appuyant sur les paroles et les œuvres de photographes auteurs qui apportent chacun une pièce à cet épouvantable puzzle ontologique qu’est la photographie où le principe de causalité semble jouer avec notre intelligence. La critique contemporaine, coincée entre idéalisme et matérialisme, ne nous donne pas de réponse satisfaisante.

Aristote, philosophe de l’expérience, et particulièrement de l’expérience sensible, aurait été fasciné par ce que Baudrillard appelle très opportunément « la complexité métaphysique de l’appareil technique [photographique] » 4, mais si la photographie est un art, dans quelle catégorie l’aurait-il mise, dans le faire ou dans l’agir ?

Maritain n’a jamais pensé la photographie. On trouve pourtant dans ses écrits sur l’art et la poésie des réponses cohérentes qui viennent pallier une certaine faiblesse critique sur la photographie en tant qu’art.

1 Roland Barthes, La Chambre Claire.

2 Jean Baudrillard, Car l’illusion ne s’oppose pas à la réalité.

3 Jean-Claude Lemagny, L’ombre et le temps

4 Jean Baudrillard, idem.