Félicien Maffre-Maviel, professeur agrégé de littérature
Vendredi 19 janvier 2024, 18 h 30, Maison des Associations, 3, place Guy Hersant, Toulouse
Dans quelle mesure pourrait-on accorder à Julien Gracq le rôle d’intellectuel, et à quel point assumait-il ce rôle avec originalité ? Avant même d’interroger ce qui dans sa posture eût pu tenir de la charge d’un tel rôle, il faudrait préciser les enjeux dudit rôle, dont les questionnements qui l’entourent au XXe siècle soulèvent des problématiques tout à la fois politiques, philosophiques, éthiques et littéraires. C’est dans un cadre précis qu’il faudrait se demander si Gracq est un intellectuel : s’il en est un, de quel type pourrait-il l’être ? Et conséquemment, il faudrait d’abord se demander quelles sont au XXe siècle les conceptions de l’intellectuel, et en quoi le choix de telle ou telle posture relève d’une conception du monde plutôt que d’une autre. Que peut vouloir dire être un intellectuel original au « siècle des intellectuels »[1] ? Dès l’abord néanmoins, un problème de taille se pose : la notion même d’intellectuel est redoutablement multiforme.
Il s’agira ainsi dans un premier temps d’émettre une simple hypothèse quant à la multiplicité des rôles et fonctions assignés à l’intellectuel, s’originant dans un flottement théorique issu du marxisme et d’un questionnement circonstancié qui amène l’intellectuel à interroger son rapport à l’Histoire de même que le rôle qu’il s’y donne au sein de son théâtre. Différentes conceptions marxisantes seront arbitrairement présentées de Walter Benjamin à Michel Foucault, afin de déterminer un cadre typologique en forme de paysage : quelles sont les différentes conceptions de l’intellectuel au XXe siècle ? Ne visant pas l’exhaustivité, il s’agira plutôt de se servir de cet échantillon pour évoquer la singularité de la posture gracquienne quant au rôle de l’intellectuel. Cette singularité se retrouvera dans l’usage de la politique qu’il fait comme d’un signe vide, servant une poétique se construisant en marge de l’Histoire et du temps, dont l’esthétique du sublime est l’une des manifestations les plus remarquables.
[1]. Michel Winock, Le Siècle des intellectuels, Paris, Seuil, 1997.